ACTUALISATION NOTE D’INFORMATION RESO Dermatoses Inflammatoires Chroniques/ Traitements immunosuppresseurs/ Infection COVID 19

Les traitements concernés par la présente note d’information sont le méthotrexate, ciclosporine, biothérapies anti TNF alpha, anti IL12/23, anti IL17 et anti IL23.

Les Recommandations et Caractéristiques du Produit sont rassurantes quant à l’absence de risque d’immunosuppression induite par Omalizumab, Dupilumab et Apremilast, ces molécules sont donc exclues de cette note d’information.

L’acitrétine et l’alitrétinoïne n’ont pas d’action immunosuppressive et ont fait l’objet d’une précédente note d’information.

Le 5 mars 2020, les membres du comité Scientifique et de Recherche du groupe RESO signaient une note d’information sur l’utilisation des immunosupresseurs (IS) dans les dermatoses inflammatoires chroniques (DIC) à l’aube de l’épidémie française de coronavirus. Les propositions émises se voulaient prudentes prônant le report des initiations et la discussion au cas par cas d’un arrêt de la molécule selon la sévérité de la pathologie et la fragilité du sujet.

note info covid-19

Qu’en est-il à présent à l’aune du recul désormais conséquent que nous avons sur l’épidémie covid19 et des données de la littérature dont nous pouvons disposer ?

Certaines données nouvelles doivent être préalablement prises en compte.

Depuis le début de la pandémie COVID-19 en France, de nouvelles données épidémiologiques, physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques nous permettent de répondre partiellement à certaines interrogations concernant la prise en charge de nos patients atteints de DIC.

Il est important de rappeler :

  • qu’une partie de nos patients atteints de DIC ont souvent des comorbidités associées à un risque accru de forme grave du COVID (hypertension, obésité, diabète, …) surtout chez les sujets âgés de 60 ans et plus.
  • certaines molécules (anti TNFa, anti interleukines) prescrites chez nos patients DIC pourraient avoir un intérêt potentiel lors de « l’orage cytokinique » qui caractérise les formes sévères de l’infection par le COVID-19 [1,2]
  • l’analyse des données de différents essais randomisés de ces traitements montre que le taux de rhinopharyngites et d’infections des voies aériennes supérieures était comparable dans le groupe des patients sous biologiques par rapport au placébo [3].

L’arrêt de ces traitements peut entraîner une rechute des DIC souvent préjudiciable pour nos patients.

Les traitements utilisés pour la prise en charge des DIC (méthotrexate, ciclosporine, biothérapies anti TNFa, anti IL12/23, anti IL17 et anti IL23) sont-ils associés à un risque plus important de formes graves de COVID-19 ? [1,4].

Les agences de santé publique françaises nous apprennent dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire récent que sur 3745 patients hospitalisés en réanimation pour infection à COVID, 7% présentaient une immunodéficience [5].  Mais immunodéficience est un terme générique large, et la proportion d’immunosuppression induite par une thérapeutique fait défaut.

L’analyse des données de la littérature scientifique sur les précédentes épidémies à coronavirus (SRAS, MERS) et celles concernant l’épidémie actuelle à COVID-19, notamment les données internationales et françaises en vie réelle, suggère que les patients immunodéprimés ne courent pas de risque accru de manifestations graves et de complications de COVID-19 par rapport à la population générale.

Rappelons que l’enseignement des épisodes précédents d’épidémie à coronavirus (SRAS-CoV et MERS-CoV) [6] n’avait pas mis en évidence de sur risque chez les patients immunodéprimés. Concernant l’épidémie de COVID-19, les données épidémiologiques chinoises ne montrent pas que l’immunodépression au sens large soit associée à une évolution plus tragique [7].

Une étude menée par des confrères italiens, exerçant en “zone rouge” du nord de l’Italie, prenant en charge des patients atteints de rhumatismes inflammatoires sous IS et biothérapies ne fait pas état d’un sur risque. Il s’agit de données non exhaustives provenant de consultations téléphoniques de leurs patients suivis pour

IS en période de confinement (320 patients). Elles n’ont qu’une valeur relative mais aucun signal inquiétant ne semble en émaner [8].

Une étude récente italienne, portant sur 45 jours durant la période pandémique, ne retrouve que deux cas de pneumonie à COVID-19 sur 895 patients traités par biothérapies et immunomodulateurs (anti TNFa, anti IL-6, anti CD-20, inhibiteurs de JAK…) pour des affections rhumatologiques. [9]

Des données rassurantes similaires ont été observées par nos collègues gastroentérologues au sein de leurs cohortes de colites inflammatoires traitées par biothérapies. [10]

Les données les plus larges en dermatologie émanent du nord de l’Italie où un groupe de dermatologues a examiné la sévérité de l’infection dans une population de 5206 patients psoriasiques, traités par biothérapies au cours des mois de mars et avril 2020. L’exhaustivité des données était assurée par le recueil des dossiers hospitaliers ou l’appel direct des patients. Ces données sont rassurantes puisque aucun décès n’est à déplorer (versus 1.6/100 000 en population générale) et que seules 4 hospitalisations ont été observées chez des patients comorbides pour le diabète et l’hypertension (taux inférieur à celui de la population générale) [11]. Damiani et al. ont rapporté en Lombardie 5 hospitalisations sur 1193 patients psoriasiques (0,42%) traités par biologiques, sans aucun décès. Il n’a pas été rapporté de sur risque d’hospitalisation en soins intensifs ou de décès chez ces patients psoriasiques par rapport à la population [12].

Dans le cadre de Reso nous avons évalué la fréquence des infections graves au COVID-19, définies comme une hospitalisation ou un décès chez les patients atteints de psoriasis recevant un traitement systémique ou biologique, à travers une étude multicentrique nationale, transversale [13]. Sur les 1418 patients vus en consultation ou en téléconsultation du 27/04/2020 au 07/05/2020, 0.35% avaient une forme sévère de COVID-19 nécessitant une hospitalisation, dont 60% avaient d’autres facteurs de risque d’infection grave.

Des observations de patients traités par biothérapie pour leur psoriasis, en contact étroit avec des cas confirmés de COVID-19, n’ayant pas développé de symptômes malgré la poursuite de leur biothérapie ont été rapportées [14].

Ainsi les patients présentant une DIC peuvent, sous réserve de considérations individuelles évaluées par le prescripteur, poursuivre leur traitement pendant l’épidémie de la COVID-19. Une rechute/ récidive de la maladie jusqu’à la bien contrôlée, est préjudiciable aux patients pour les formes sévères mais aussi à notre système de soins.

L’EADV, la société italienne de dermatologie et l’International Psoriasis Council recommandent de poursuivre les traitements par IS et de ne les suspendre qu’en cas d’infection présumée ou confirmée à COVID-19. Les autres groupes de spécialité utilisant couramment les IS ont émis des recommandations similaires [15]

Pouvons-nous reprendre ou initier un traitement par méthotrexate, ciclosporine ou biologique (anti TNFa, anti IL12/23, anti IL17 et anti IL23) durant cette période épidémique chez nos patients atteints de DIC ?

Notre étude [13] fournit les premières données montrant qu’il n’a pas été noté de différence statistiquement significative dans le nombre de cas sévères de COVID-19 selon que le patient était en période d’initiation (1/230) ou en période de maintien du traitement (4/1188). Il n’y avait pas de différences significatives entre les différents traitements évalués, du risque de COVID-19 sévère.

Une observation d’un patient en phase d’initiation d’ixekizumab, en contact avec un cas confirmé de COVID-19, n’ayant pas développé de symptôme malgré une PCR COVID 19 positive et la poursuite du traitement a été rapportée [16]

Ces éléments permettent d’envisager au cas par cas, en évaluant le rapport bénéfice/risque (notamment lié aux comorbidités du patient), la reprise des initiations des traitements immunosuppresseurs et biologiques pour les formes modérées à sévères de dermatoses inflammatoires chroniques dans le contexte de circulation persistante du COVID 19.

Dans quelles situations particulières arrêter ces traitements ?

Toutes les sociétés savantes s’accordent sur la suspension d’un traitement immunosuppresseur ou biologique chez les patients présentant une infection avérée. Il est également contre-indiqué de débuter ce type de traitement chez un patient présentant une infection active. 

Mesures générales

Il est important de rappeler à nos patients l’importance d’éviter les rassemblements, de respecter la distanciation sociale, de laver fréquemment les mains (eau et savon) ou d’utiliser une solution hydroalcoolique, de surveiller leur température.

Une recherche de COVID-19 par RT-PCR nasopharyngée doit être effectuée impérativement chez tout patient sous biothérapie suspect d’infection clinique, y compris en cas de symptôme mineur et/ou en cas de contact rapproché avec une personne infectée.

Compte tenu de l’absence de données scientifiques en faveur d’une incidence plus élevée d’une infection sévère de COVID-19 chez les sujets ayant une DIC, qu’ils soient ou non traités par biothérapie ou immunomodulateur, une reprise de l’activité professionnelle est possible pour la très grande majorité des patients si les mesures sanitaires réglementaires sont respectées au sein de leur entreprise.

Pour les patients les plus vulnérables, il est également important de préserver le suivi médical ; si nécessaire, ne pas hésiter à encourager la téléconsultation quand elle est possible, si une consultation physique n’est pas possible ou n’est pas indispensable.

Références

1.Torres T, Puig L. Managing cutaneous immune-mediated diseases during the COVID-19 pandemic. Am J Clin Dermatol 2020 Apr 10. doi: 10.1007/s40257-020-00514-2

2.Conti A, Lasagni L, Bigi L, Pellacani G. Evolution of COVID-19 infection in 4 psoriatic patients treated with biological drugs. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 May 7. Doi: 10.1111/jdv.16587.

3.Lebwohl M, Rivera-Oyola R, Murrell DF. Should biologics for psoriasis be interrupted in the era of COVID-19? J Am Acad Dermatol. 2020 May;82(5):1217-1218. doi: 10.1016/j.jaad.2020.03.031. Epub 2020 Mar 19

4.Amerio P, Prignano F, Giuliani F et al. COVID-19 and psoriasis: should we fear for patients treated with biologics? Dermatol Ther. 2020. 2020 Apr 20:e13434. doi: 10.1111/dth.13434. [Epub ahead of print]

5.Santé Publique France. Définition de cas d’infection au SARS-CoV-2 (COVID-19) – Mise à jour le 12/05/2020, Santé Publique France. www.santepubliquefrance.fr › definition-de-cas-07-05-20, last accessed 12 May 2020.

6.Hui DS, Azhar EI, Kim YJ et al. Middle East respiratory syndrome coronavirus: risk factors and determinants of primary, household, and nosocomial transmission. Lancet Infect Dis. 2018 Aug;18(8):e217-e227. doi: 10.1016/S1473-3099(18)30127-0. Epub 2018 Apr 18.

7.Li X, Xu S, Yu M et al.Risk factors for severity and mortality in adult COVID-19 inpatients in Wuhan. J Allergy Clin Immunol.2020 Apr 12. pii: S0091-6749(20)30495-4. doi: 10.1016/j.jaci.2020.04.006. [Epub ahead of print]

8.Monti S, Balduzzi S, Delvino P et al. Clinical course of COVID-19 in a series of patients with chronic arthritis treated with immunosuppressive targeted therapies.Ann Rheum Dis.2020 May;79(5):667-668. doi: 10.1136/annrheumdis-2020-217424. Epub 2020 Apr 2.

9.Conticini P et al. COVID-19 pneumonia in a large cohort of patients treated with biological and targeted synthetic antirheumatic drugs. Ann Rheum Dis. 2020. May

10.Grassia R et al. Inflammatory Bowel Diseases and Biological Treatment in SARS-CoV-2 Era. Why Not? Inflamm Bowel Dis; 2020. May

11.Gisondi P, Facheris P, Dapavo P et al. The impact of COVID-19 pandemic on patients with chronic plaque psoriasis being treated with biologic therapy: the Northern Italy experience. Br J Dermatol.2020 Apr 28. doi: 10.1111/bjd.19158. [Epub ahead of print]

12.Fougerousse AC, Perrussel M, Becherel PA et al. Systemic or biologic treatment in psoriasis patients does not increase the risk of a severe form of COVID-19. J Eur Acad Dermatol 2020 [Epub ahead of print]

13.Damiani G, Pacifico A, Bragazzi N et al.. Biologics increase the risk of SARS-COV-2 infection and hospitalization, but not ICU admission and death : real-life data from a large cohort during RED-ZONE declaration. Dermatol Ther. 2020 May 1:e13475. doi: 10.1111/dth.13475. [Epub ahead of print]

14.Recommendations from the EADV Psoriasis Task Force/ SPIN. 18 april 2020. www.eadv.org

15.Begon E. Dermatoses Inflammatoires Chroniques : à quand le déconfinement thérapeutique ? Tribune libre Reso 04 Mai 2020 www.resopso.fr

16.Balestri R, Rech G, Girarderlli CR. SARS-Cov-2 infection in a psoriatic patient treated with IL17 inhibitor. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 May 2. doi: 10.1111/jdv.16571.

Pour le Comité Scientifique et de Recherche RESO

 Le Groupe Rédactionnel

Dr François Maccari, Dr Ziad Reguiai, Dr Ines Zaraa, Dr Marc Perrussel, Dr Laure Mery, Dr Pierre André Becherel, Dr Mathilde Kemula, Dr Claire Poreaux, Dr Guillaume Chaby, Dr Josiane Parier, Dr Valérie Pallure, Dr Anne Claire Fougerousse, Dr Edouard Begon

Date : 25 mai 2020