Les nouvelles autorisations de mise sur le marché

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Les nouvelles AMM pour des thérapies systémiques du psoriasis en plaques modéré-à-sévère de l’adulte

L’évolution des thérapies systémiques du psoriasis en plaques modéré-à-sévère a été assez lente et relativement récente: au début du 20ème siècle est apparue la thérapie Goeckerman, les dermocorticoïdes arrivent dans les années 50, le méthotrexate et les rétinoïdes 30 ans après, suivis par la ciclosporine et l’acide fumarique à la fin du 20ème siècle1. A partir des années 2000, l’apparition des biothérapies ont diversifié la prise en charge du psoriasis modéré-à-sévère en échec aux thérapies conventionnelles: les inhibiteurs du TNF-alpha (infliximab, étanercept, adalimumab) ont été suivis par l’anti-IL12/IL-23 (ustékinumab), les dernières AMM concernent l’anti-IL-17 (sécukinumab, ixekizumab) et l’inhibiteur oral de la phosphodièstérase-4 (aprémilast). Ces thérapies systémiques ont une spécificité de plus en plus ciblée et une efficacité de plus en plus élevées, en partant des immunosuppresseurs non-spécifiques – comme le méthotrexate ou la ciclosporine pour arriver aux molécules les plus récentes et plus spécifiques qui ciblent le lymphocyte T helper de phénotype Th1 et / ou Th17 ou la phosphodiéstérase (Fig.1) (Fig.2).

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Le score PASI (Psoriasis Area and Severity Index) est l’un des scores le plus utilisés dans l’évaluation de la sévérité du psoriasis. Le score PASI 75 à 12 semaines de traitement –représenté par la diminution de 75% du score PASI à 12 semaines de traitement par rapport au PASI initial – est considéré (à part les autres scores comme le Physician Global Assessment PGA) comme « le score standard » dans la plupart des études de phase II/III, comparatives ou en ouvert 2,3.

Les cibles des nouveaux traitements systémiques du psoriasis en plaques modéré-à sévère sont notamment les cytokines responsables de l’induction des phénotypes T helper proinflammatoires et aussi des molécules susceptibles de déclencher des réactions « en cacade »: le TNF-alpha, les interleukines 12, 17, 23 4-6 (Fig.3).

Les molécules ayant obtenu une AMM en France (à fin juin 2017) pour le psoriasis en plaques modéré-à-sévère sont: les anti-IL-17A (secukinumab et ixekizumab) et l’inhibiteur de phosphodièstérase-4 (aprémilast) (Fig.4).

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Les nouvelles molécules ayant obtenu une AMM en France:

A. Secukinumab

L’IL-17A est exprimée par plusieurs types de cellules de l’immunité innée et adaptative (kératinocytes, neutrophiles, éosinophiles, macrophages, mastocytes, lymphocytes), mais le récepteur pour l’IL-17 est exprimé notamment par les kératinocytes: son activation induit une prolifération kératinocytaire et constitue une étape importante de l’induction des plaques psoriasiques7 (Fig.5).

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L’inhibiteur de l’IL-17A secukinumab (Cosentyx® – Novartis®, seringues et stylos à 150 mg pour administration SC) est un anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine 17A ayant comme indication le psoriasis en plaques modéré-à-sévère de l’adulte en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance à au moins deux traitements systémiques conventionnels parmi: l’acitrétine, le méthotrexate, la ciclosporine, la photothérapie.
La posologie est de 300 mg (deux stylos à 150 mg) en SC, à semaine 0, 1, 2, 3, 4, puis une fois toutes les 4 semaines.
Dans l’étude de phase III (étude « CLEAR » secukinumab versus ustékinumab)8, 93,1 % des patients ayant reçu secukinumab ont atteint un PASI 75 à semaine 16 de 93% (diminution de 75% du PASI initial) – versus 82 % des patients dans le groupe ustékinumab (Fig.6).

D’autres études ont comparé secukinumab à étanercept en suivant le PASI 75 et 90 à semaine 12 et 52 (études FIXTURE et ERASURE9,10):
A semaine 12 le PASI 75 était de 77 % dans le groupe secukinumab et 44 % dans le groupe étanercept. A semaine 12 le PASI 90 était de 54 % pour secukinumab vs 20,7 % pour étanercept. A semaine 52 le PASI 75 était de 84 % (secukinumab) vs 72 % étanercept10.
Le screening préthérapeutique avant de prescrire secukinumab doit être réalisé comme pour toutes les autres biothérapies : bilans sanguin et radiologique afin d’éliminer toute suspicion d’infection, tuberculose, l’absence de grossesse/allaitement, la présence d’une contraception orale en cours, IDR à la tuberculine ou le Quantiféron test négatif. Les effets adverses rapportés dans les études secukinumab de phase III 8-10 ont été comparables aux autres biothérapies disponibles en France. Une incidence des candidoses muqueuses légères dans moins de 3% des cas a été observée (similaires aux autres anti-IL-17 en études de phase II et III8-13), des aggravations de la Maladie de Crohn non diagnostiquée avant d’initier le traitement ont été rapportées (une anamnèse et un screening préthérapeutique pour les maladies chroniques de l’intestin doivent être envisagées avant de prescrire secukinumab)11.

B. Ixekizumab

Ixekizumab est aussi un anti-IL17A ayant les mêmes mécanismes d’action que l’anti-IL17A décrit plus haut et a été approuvé en France pour le psoriasis en plaques modéré-à-sévère en échec (réponse insuffisante, contre-indication ou intolérance) à au moins deux traitements systémiques conventionnels parmi le méthotrexate, l’acitrétine, la ciclosporine et la photothérapie et ayant une forme étendue et/ou un retentissement psychosocial important.

Ixekizumab (Talz® – Lilly ®) est disponible en seringues et stylos préremplis à 80 mg, le schéma posologique recommandé prévoit une première dose de 160 mg (2 injections) suivie d’une injection de 80 mg toutes les 2 semaines pendant les 3 premiers mois (12 semaines), puis toutes les 4 semaines.

Le screening préthérapeutique avant de prescrire ixekizumab est identique à celui pour les autres anti-IL17A, les même précautions dans la prescription et le suivi (candidoses cutanéomuqueuses, ne pas prescrire s’il existe des antécédents ou des suspicions de maladie inflammatoire chronique de l’intestin).
L’efficacité de l’ixekizumab a notamment été évaluée dans plusieurs études cliniques dont les résultats ont montré une réduction de la sévérité et de l’étendue des lésions ainsi que l’amélioration des symptômes et de la qualité de vie : l’obtention à semaine 12 d’un PASI 75 de 90% pour les patients traités par ixekizumab – vs 47% pour étanercept – et d’un PASI 100 de 41% dans le groupe ixekizumab vs 5% étanercept12 (études cliniques UNCOVER 1, UNCOVER 2 et UNCOVER 3).12,13

C. Aprémilast

La voie de la phosphodiéstérase est liée à l’activation des récepteurs kératinocytaires activées par des molécules et cytokines pro-inflammatoires. Ces récepteurs une fois activés induisent une production d’adénosine monophosphate cyclique (cAMP) qui inhibe l’expression d’IL-17, TNF-alpha et IFN-gamma. Le cAMP est dégradé par la phosphodiéstérase-4 (PDE4) en AMP, une augmentation de la PDE4 de de l’AMP est suivie par l’augmentation du relargage d’IL-17, TNF-alpha et IFN-gamma et par l’apparition des plaques de psoriasis. Aprémilast inhibe la PDE4 (demi-vie de 9h) donc indirectement prévient l’induction de l’expression de ces principales cytokines pro-inflammatoires psoriasiques (Fig.7).

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Aprémilast (Otezla® – Celgene® comprimés à 10, 20 et 30 mg) – est un traitement oral inhibiteur de la phosphodiéstérase 4 (PDE-4), indiqué dans le psoriasis en plaques chronique modéré à sévère de l’adulte, en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance à un traitement systémique conventionnels parmi le méthotrexate, la ciclosporine, la photothérapie. La posologie est de 10 mg à J1, à J 2 10 mg + 10 mg (matin et soir), à J 3 10 mg + 20 mg, à J 4 20 mg + 20 mg, à J 5 20 mg + 30 mg et à J 6 et après: 30 mg + 30 mg.

Une étude de phase III, en double-aveugle, aprémilast (30 mg X2/jour) vs placébo sur 52 semaines (étude « ESTEEM 1 »14), chez des patients psoriasiques adultes (n=282 placebo, n=562 aprémilast), a montré dans le groupe aprémilast à semaine 16 un PASI 75 de 33% (vs 5% placébo); à semaine 52 PASI 75 de 61 %. Une étude similaire de phase III (l’étude ESTEEM 215) a montrée à semaine 16 un PASI 75 de 28 % et un PASI 50 de 55 % ; à semaine 52 un PASI 50 de 80%. Dans les 2 études « ESTEEM » (n=562 ; n=274) les effets adverses ont été rares (<1%) et sans gravité: nausées, infections respiratoires légères.
L’accélération du transit intestinal dans les 4 premières semaines du traitement a été rapportée dans 15 respectivement 19% des patients.14,15 Une perte de poids de 5 à 10% du poids initial a été rapportée dans 10% des patients traitée par apremilast (vs 3% placébo).16
D’autres biothérapies en développement (études phase II et III): les anti-IL-23 (p19)* Les 3 biothérapies en cours de développement sont le guselkumab, le tildrakizumab et le risankizumab (BI 665066) (Fig. 8).

Le guselkumab (Janssen®) administré 200 mg en SC à semaine 0, 4 ,16 puis toutes les 12 semaines a permis l’obtention d’un PGA inférieur à 1 chez 83% des patients.17
Le tildrakizumab (MK-3222 – Merck®) a obtenu un PASI 75 à semaine 12 chez 74% des patients (administré en SC 200 mg à semaines 0, 4 et 16).17 Dans une étude comparative vs étanercept le PASI 75 à semaine 28 était de 73% pour tildrakizumab 200 mg et 54% pour étanercept 50 mg/sem.19
Le risankizumab (BI 65506 – AbbVie® / Boehringer Ingelheim®) administré en dose unique 1 mg/kg a obtenu à semaine 24 un PASI 75 chez 87% des patients, un PASI 90 – 58% et un PASI 100 16%, maintenus à semaine 66.20

Conclusions

Les nouvelles thérapies secukinumab, ixekizumab et aprémilast ont récemment obtenu une AMM en France pour le psoriasis en plaques modéré-à-sévère et enrichissent l’arsenal thérapeutique dans le psoriasis modérés-à-sévère résistant aux traitements systémiques conventionnels. Le pourcentage des patients qui atteignent un PASI 90 et 100 à semaine 12 et 16 est de plus en plus élevé avec les biothérapies anti-IL17, pourcentage qui s’annonce encore plus élevé avec les anti-IL-23 en cours de développement. Ceci ne doit pas être vu comme une « course à l’efficacité et à la rapidité » des thérapies, le choix du traitement systémique pour des patients atteints d’un psoriasis en plaques modéré-à-sévère en échec thérapeutique ou ayant une contre-indication aux 2 traitements conventionnels (systémiques et/ou PUVA-thérapie) doit toujours être orienté par les particularités de chaque patient (anamnèse, examen clinique et bilan préthérapeutique rigoureux) et par le profil efficacitétolérance de chaque nouvelle molécule mise sur le marché.

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Auteur : Dr Marius-Anton (Toni) Ionescu PATT, Polyclinique de dermatologie, Hôpital Saint-Louis, Paris

04/2018